Lucas Thibault

Vers l’essence des éléments du paysage par Pauline Lisowski.
Les peintures, assemblages, sculptures, installations de Thibault Lucas incarnent une recherche d’unité à partir d’éléments contraires. Il crée selon des contextes, des rencontres avec des lieux et favorise une économie de moyens. Dans ses explorations de la ville, il s’attache à des éléments de construction, pierres, polystyrènes, planches, parpaing, etc, qu’il assemble en assumant leurs défauts et spécificités. Le plus souvent constituées de deux éléments
uniquement, ses compositions convoquent l’équilibre, des rapports de force, une stabilité qui renvoient aux fondations de constructions architecturales. Les matériaux qu’il trouve l’amènent à construire sur place, avec un instinct d’assemblage qui rappelle celui de l’enfant ou de l’homme archaïque. Ses oeuvres, de l’infiniment grand à
l’infiniment petit, d’apparence minimales, renferment une histoire. Le spectateur se fait alors archéologue en les contemplant et tente de percer leurs secrets.
Dans ses oeuvres sur papier se révèle cette quête de l’essence de la forme. L’artiste Lucas Thibault privilégie les couleurs pures, primaires, jaune, bleu et rouge qu’il associe parfois par deux. La montagne, l’arbre, le caillou, les cavités se retrouvent dans ses peintures. Il laisse une grande place au blanc du papier pour ouvrir vers un ailleurs. La couleur suggère la puissance visuelle des éléments d’un paysage traversé. La multitude de touches gestuelles et accidentées traduit la rugosité, les creux, les cavités des montagnes.
À partir des sujets auxquels Lucas Thibault s’intéresse (la guerre de 14-18, l’alpinisme, l’agriculture), il travaille par série. Ses encres expriment des sensations ressenties au contact de la nature : la nuit, le froid, la peur, la chaleur du soleil, le souffle du vent, le grincement des arbres, l’émerveillement d’une lumière, l’attente. Dans sa série Montagne Sacrée, le sujet est coupé, fragmenté, répété, pour évoquer l’immensité d‘espaces qui nous invitent à l’humilité. Dans sa série No Man’s Land, ses encres bleues de champs de bataille la nuit paraissent se prolonger entre elles pour créer un tout comme lors de son exposition à la galerie Graphem, Paris en 2018.
La pierre est un motif récurrent qui traverse ses oeuvres de différents médiums. Dans ses encres, elle crée une perspective et rejoint l’élément premier constitutif du paysage. Ce matériau, dans ses compositions d’éléments, est aussi celui des ruines, monuments intemporels qui suggèrent l’idée d’absolu. Thibault Lucas s’approprie des fragments d’objets recueillis avec lesquels il crée des Idoles, oeuvres qui font référence à des statuettes sacrées. Il construit également des totems, des dolmens, des cairns, des portes miniatures. Ses oeuvres font référence à des pratiques de populations ancestrales et lointaines. « La Fabrique de la Montagne Sacrée à l’église Saint Merry, installation constituée de peintures et sculptures représentées à différentes échelles nous rappelle l’expérience, de l’ordre du sublime, de l’inatteignable, que nous pouvons avoir face à un paysage qui nous dépasse. Dans l’interstice du fond poétique de l’arte povera et de la forme épurée du minimalisme, il crée parfois dans des situations inconfortables, avec une urgence d’agir à partir de trouvailles.
Sa pratique artistique est de plus en plus ancrée dans le flux de la vie. Il investit des terrains en transition à partir des éléments qu’il glane pour construire et provoquer des rencontres improbables avec des gens à la marge ou des passants. S’inspirant de la figure du géologue, il vit de l’intérieur l’espace qu’il explore en descellant des fragments
d’histoire contemporaine. Ses interventions in situ ajoutent des traces récentes à des terrains déjà marqués par des passages et événements. Sa pratique acquiert une dimension sociale, comme si ses portes en pierre incarnaient un lien entre des communautés qui se côtoient mais s’ignorent.
Thibault Lucas capture également des moments en vidéo de la même manière qu’il dessine, dans l’instant avec une grande attention aux phénomènes qui apparaissent, que ce soit en ville ou à la campagne.
Une tension entre les éléments, une stabilité de l’installation mettent en évidence le poids des matériaux et leurs capacités à tenir ensemble. Ses oeuvres, a priori silencieuses, révèle un aller-retour entre le présent et les cultures anciennes, entre le commun et l’absolu.
Pauline Lisowski
Towards the essence of the elements of the landscape by Pauline Lisowski
The paintings, assemblages, sculptures and installations of Thibault Lucas embody a search for unity from opposing elements. He creates according to contexts, encounters with places and favors an economy of means. In his explorations of the city, he focuses on construction elements, stones, polystyrene, boards, breeze blocks, etc., which he assembles by assuming their defects and specificities. Most often made up of two elements only, his compositions
his compositions summon balance, relationships of force, a stability that refers to the foundations of architectural constructions. The materials he finds lead him to build on the spot, with an instinct of assembly that recalls that of the child or the archaic man. His works, from the infinitely large to the
the infinitely small, of minimal appearance, contain a history. The spectator becomes an archaeologist while contemplating them and tries to pierce their secrets.
In his works on paper, this quest for the essence of form is revealed. The artist Lucas Thibault favors pure, primary colors, yellow, blue and red that he sometimes associates in pairs. The mountain, the tree, the stone, the cavities are found in his paintings. He leaves a large place to the white of the paper to open towards an elsewhere. The color suggests the visual power of the elements of a crossed landscape. The multitude of gestural and uneven touches translates the roughness, the hollows, the cavities of the mountains.
From the subjects in which Lucas Thibault is interested (the First World War, mountaineering, agriculture), he works in series. His inks express sensations felt in contact with nature: the night, the cold, fear, the heat of the sun, the breath of the wind, the creaking of the trees, the wonder of a light, the waiting. In his Sacred Mountain series, the subject is cut, fragmented, repeated, to evoke the immensity of spaces that invite us to humility. In her No Man's Land series, her blue inks of battlefields at night seem to extend between them to create a whole as in her exhibition at Graphem Gallery, Paris in 2018.
Stone is a recurring motif that runs through her works in various mediums. In her inks, she creates a perspective and joins the primary element constituting the landscape. This material, in her compositions of elements, is also that of ruins, timeless monuments that suggest the idea of absolute. Thibault Lucas appropriates fragments of collected objects with which he creates Idols, works that refer to sacred statuettes. He also builds totems, dolmens, cairns, miniature doors. His works refer to practices of ancestral and distant populations. La Fabrique de la Montagne Sacrée" in the church of Saint Merry, an installation made up of paintings and sculptures represented at different scales, reminds us of the experience, of the order of the sublime, of the unattainable, that we can have when faced with a landscape that is beyond us. In the interstice of the poetic background of arte povera and the purified form of minimalism, he creates sometimes in uncomfortable situations, with an urgency to act from findings.
His artistic practice is increasingly anchored in the flow of life. He invests lands in transition from the elements he gleans to build and provoke improbable encounters with people on the margins or passers-by. Inspired by the figure of the geologist, he lives from the inside the space that he explores by unsealing fragments
of contemporary history. His interventions in situ add recent traces to grounds already marked by passages and events. His practice acquires a social dimension, as if his stone doors embody a link between communities that live side by side but ignore each other.
Thibault Lucas also captures moments in video in the same way he draws, in the moment with great attention to the phenomena that appear, whether in the city or in the countryside.
A tension between the elements, a stability of the installation highlight the weight of the materials and their ability to hold together. His works, a priori silent, reveal a back and forth between the present and ancient cultures, between the common and the absolute.
Pauline Lisowski