Galais Audrey
Audrey Galais est née en 1983 dans l’Orne, vit et travaille à Clermont-Ferrand. Elle obtient en 2011 son diplôme (DNSEP) à l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole.
Elle est membre de l’association Les Ateliers et membre de l’association NBSP, en charge de la programmation de l’espace d’art contemporain La Tôlerie, à Clermont-Ferrand.
Son travail a été montré à plusieurs reprises en France notamment dans les centres d’arts contemporains l’Abbaye Saint André (Meymac) et le Creux de l’enfer (Thiers).
Elle a également participé à présenter une exposition personnelle à La Serre en 2019 et à une exposition collective au Musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole, en 2011.
Audrey Galais est représentée chez Maison contemporain depuis juin 2020.
« La blanche Ophélie flotte comme un grand lys »
Arthur Rimbaud, Ophélie, 1870
Dans l'œuvre d’Audrey Galais, l’imaginaire tend à devenir réel. Ou l’inverse. Liés par une patine blanche badigeonnée de coloris pastels, les éléments bruts assemblés par l’artiste forment des paysages fictifs entre archaïsme et modernité.
Versant au néant l’idée d’une rupture anthropologique entre un passé prétendument “primitif” et un monde contemporain “techniciste”, ces tentatives d’enchantement de rebuts donnent libre cours à la survivance somatique de croyances magiques.
Roland Barthes ne voit-il pas dans le plastique des noms de bergers grecs ?
Ici, les compositions donnent dans l’informe, entre créations de la nature et autels de fortune.
En “Galaisie”, les couleurs claires et acidulées indiquent partout le flou du rêve, l’aspect fictionnel de ce qui ressemble à un rituel hermétique et féérique.
Pour harmoniser ce cadre idéal à la vacance de l’âme, le plâtre est le matériau de prédilection ; lénifiant et envoûtant, il se répand sur presque tout comme la nappe liquide ou végétale d’une libation. Symbole archaïsant d’une architecture fantasmée pour sa pureté, cette blancheur du plâtre a pour vieille hypostase une Antiquité rêvée.
Sans être allé en Grèce, Johann Joachim Winckelmann établit en effet, et à tort, dans son Histoire de l’Art dans l’Antiquité (1764) que la blancheur est consubstantielle à l'œuvre antique, toute de “noble simplicité” et de “grandeur sereine”.
Le travail d’Audrey Galais joue de cette vénusté apparente et onirique dans l’utilisation du plâtre comme un agent mnémonique qui rappelle de faux souvenirs.
Par un procédé de moulage, les bois flottés glanés par l’artiste acquièrent une dimension sculpturale.
Associés à d’autres éléments (cordes, nasses, tissus), ils révèlent d’autant plus leurs qualités plastiques qu’ils entrent en tension avec les matériaux et les surfaces ; dans leur forme oblongue, galbée, ponctuée de noeuds et de fissures, ils deviennent une oeuvre en soi.
Ce bois de grève, érodé par les vagues et le temps, nuisance majeure dans certaines zones littorales, se présente ici comme les restes d’un naufrage qui se délestent de toute marque de violence dans la douceur du plâtre et la blancheur sopitive.
Dans la lignée de ses précédentes séries, l’artiste valorise de fait le geste de récupération de l’objet en vue de sa transformation quasi alchimique. Ces “débris de sensations réelles” demeurent liés au tangible : les aspérités de l’objet sont conservées dans le plâtre et des moulages des extrémités du corps de l’artiste sont intégrés aux compositions.
En même temps, la technique employée laisse la part belle aux apparitions inattendues dans la matière.
Régulièrement broyés, concassés, incrustés de sable coloré, les plâtres échappent à une maîtrise totale par des méandres secrets.
Les éléments sont teints dans la masse et les pigments continuent à se diffuser au moment de l’assemblage.
Cette idée d’une magie qui contamine ces formes lapidaires, se retrouve jusque dans les petites billes de plâtre qui parsèment les œuvres comme des propagules. Le processus de multiplication importe à Audrey Galais.
En ce sens, la technique du moulage n’est pas anodine. Loin d’être cantonné à l’image des copies mécaniques et bon marché que le XXème siècle lui avait attribuée, le moulage en plâtre bénéficie d'un regain d’intérêt au XXIème siècle, à commencer par les musées, qui réévaluent l’importance des plâtres dans leurs collections.
Plutôt qu’un substitut ou un prototype, il est donc par ce même biais reconsidéré pour ses qualités plastiques.
Au sein de sa démarche, Audrey Galais ne manipule pas davantage le moulage comme une pâle copie d’un original. C’est précisément en tant que reproduction qu'il fait œuvre, dans la duplication d’une image parfois au sein d'une même composition.
Dans ces installations, le moulage est motif, dans l’atelier, il est même présenté en “collections” à la façon d’une gypsothèque. Amulettes ou archives, ces vestiges s’abstraient de leur contexte et tombent dès lors dans la “grande fosse des formes” dont Paul Klee a parlé en des termes savoureux :
“Dans la grande fosse des formes gisent les ruines auxquelles on tient encore, en partie. Elles fournissent matière à l'abstraction. Marécage d'éléments faux, pour la formation de cristaux impurs”.
Elora Weill-Engerer (texte écrit pour Maison contemporain)
Critique d’art / Commissariat d’exposition Membre de l’AICA (Association Internationale des Critiques d’Art)