Auburtin Marion

Marion Auburtin est une artiste française née en 1978. Elle vit et travaille à Aubervilliers en Seine Saint Denis. Elle pratique principalement la peinture et la céramique. Elle travaille également en duo avec Benjamin L. Aman sous le nom de Sleep Disorders.
Je postule pour une éventualité. Marion Auburtin croit aux fantômes. Non pas aux revenants désaxés, tout autant désarticulés que déments, sortis d’un film de George A. Romero. Pas du tout. Elle croit à des fantômes subtils, très ambivalents, assez doux sous leur cape d’invisibilité, qui pourraient flotter autour de la phrase vertigineuse d’Albert Einstein : « La distinction entre le passé, le présent et le futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle ».
De de mon point de vue, les êtres qui habitent l’univers de l’artiste sont indubitablement lunaires. Ils sont nocturnes, féminins et parfois innocemment démoniaques. Plutoniens. Des méduses. Des sirènes. Des divinités de la mort. Pourquoi pas. Mais sans en avoir l’air, sans le vouloir. Elles sont dénuées de malignité et d’arrogance parce qu’elles ne souhaitent pas nous impressionner, ni nous effrayer, étant elles-mêmes peut-être le véhicule intraduisible de l’inconscient de l’artiste. Quelque fois, elles semblent se demander ce qu’elles font là, encadrées, entoilées, baignées d’huile inodore. Dans une aisance immobile, un peu contrainte, très inédite. Certaines ne se doutent pas qu’elles sont des passeuses vers le milieu inconnu de la vallée de la mort. Elles peuvent faire traverser la frontière à qui voudrait tenter de comprendre ce mystère fondamental. Elles restent silencieusement au bord de cette limite, parfois en nous tournant le dos. Et si elles avançaient vers le fond de la toile, nous aurions sans doute envie de les suivre pour les ramener à nous, comme la tentative magnifique et désespérée d’Orphée.
La beauté de la mort chez Marion Auburtin n’est pas tout à fait celle de Baudelaire. Pas assez moite. Pas assez pourrissante. Sous le pinceau incisif de l’artiste, les corps, même lorsqu’ils sont ouverts, restent lisses et délicatement parfumés. Devant les toiles Emma ou À fleur de peau, nous ne sommes pas devant la « charogne infâme », ni devant la « femme lubrique / Brûlante et suant les poisons ». Au contraire, nous sommes en présence d’une puissance naturaliste propre et raffinée, digne de l’Ange anatomique d’Agoty. Néanmoins, l’univers de l’artiste n’est pas radicalement lointain de l’esthétique de la laideur caractéristique du poète. Leurs deux démarches seraient difficilement concevables sans une fonction à mes yeux essentielle, celle de l’oxymore. Le mal, la laideur ou la représentation de la mort n’ont pas une existence autonome mais ils sont intimement liés à leur opposée, la perfection néoplatonicienne de l’Idéal de la Beauté.
Juliette Fontaine, directrice du CAPA, avril 2019.
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Marion Auburtin is a French artist born in 1978. She lives and works in Aubervilliers in Seine Saint Denis. She mainly practices painting and ceramics. She also works in duo with Benjamin L. Aman under the name of Sleep Disorders.
I am applying for a contingency. Marion Auburtin believes in ghosts. Not to the unhinged ghosts, as disjointed as they are demented, from a film by George A. Romero. No way. She believes in subtle ghosts, very ambivalent, quite gentle under their invisibility cloak, which could float around Albert Einstein's dizzying phrase: "The distinction between past, present and future is only a illusion, however tenacious it may be”.
From my point of view, the beings that inhabit the artist's universe are undoubtedly lunar. They are nocturnal, feminine, and sometimes innocently demonic. Plutonians. Jellyfish. Sirens. Deities of death. Why not. But without seeming to, without wanting to. They are devoid of malignity and arrogance because they do not wish to impress or frighten us, being themselves perhaps the untranslatable vehicle of the artist's unconscious. Sometimes they seem to wonder what they are doing there, framed, canvassed, bathed in odorless oil. In an immobile ease, a little constrained, very new. Some do not suspect that they are passers-by towards the unknown environment of the valley of death. They can cross the border to anyone who wants to try to understand this fundamental mystery. They remain silently on the edge of this limit, sometimes with their backs to us. And if they advanced towards the back of the canvas, we would no doubt want to follow them to bring them back to us, like the magnificent and desperate attempt of Orpheus.
The beauty of death in Marion Auburtin is not quite that of Baudelaire. Not moist enough. Not rotten enough. Under the artist's incisive brush, the bodies, even when open, remain smooth and delicately scented. In front of the paintings Emma or À fleur de peau, we are not in front of the “infamous carrion”, nor in front of the “lustful woman / Burning and sweating the poisons”. On the contrary, we are in the presence of a clean and refined naturalistic power, worthy of Agoty's Anatomical Angel. Nevertheless, the universe of the artist is not radically far from the aesthetics of ugliness characteristic of the poet. Their two approaches would be difficult to conceive without an essential function in my eyes, that of the oxymoron. Evil, ugliness or the representation of death do not have an autonomous existence but are intimately linked to their opposite, the Neoplatonic perfection of the Ideal of Beauty.
Juliette Fontaine, director of CAPA, April 2019.