Doummar Brune

Cela pourrait être un détail d’une photographie de famille : une main d’adulte a passé derrière le cou d’un enfant, elle pend sur sa poitrine. Le jeune garçon, affublé d’un costume d’arlequin, arbore un visage fermé, des lèvres pincées. Si la photographie était complète, peut-être ne verrait-on pas cette mine poupine aux désirs hermétiques. Dans ses peintures, Brune Doummar semble avoir toujours délibérément effacé quelques détails pour mieux nous concentrer sur d’autres : les enfants qui hantent ses toiles apparaissent par bribes, et leurs corps souvent s’évanouissent en fragments choisis. Parmi ces derniers, les yeux paraissent être tenus en haute importance par la peintre : qu’ils soient dans le vague, accusateurs, tournés vers un extérieur dont on ne discernera rien ou discrètement effacés, ils occupent tous une place de choix dans ses peintures. Le diplôme s’appelait d’ailleurs Les yeux distraits, et il faut bien comprendre cette distraction comme une absorption profonde, et non une rêverie légère.
Les scènes silencieuses de Brune Doummar sont autant d’hommages mélancoliques à la gravité de l’enfance, et si ses modèles ont été transformés en personnages de théâtre et émergent fréquemment de rideaux rappelant l’univers de la scène, c’est pour signaler que les apprentissages les plus habituels de la vie des enfants – initiation à la musique, pose pour les photographies, attente sage du goûter... – relèvent d’une comédie qui confine parfois à l’absurde. Les enfants muets de Brune Doummar ont volontiers une apparence grotesque, mais il faudrait avoir les yeux bien clos pour ne pas voir que derrière la figure du bateleur se cache souvent le saint de l’icône.
Camille Paulhan, 2023, Catalogue diplômés 2022 des Beaux-Arts de Paris, Editions Beaux-Arts de Paris Ministère de la Culture.
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It could be a detail from a family photograph: an adult hand has passed behind a child's neck, it hangs on her chest. The young boy, decked out in a harlequin costume, has a closed face, pursed lips. If the photograph was complete, perhaps we would not see this chubby mine with hermetic desires. In her paintings, Brune Doummar seems to have always deliberately erased some details to better focus on others: the children who haunt her canvases appear in snatches, and their bodies often vanish in selected fragments. Among the latter, the eyes seem to be held in high importance by the painter: whether they are vague, accusatory, turned towards an exterior from which nothing can be discerned or discreetly erased, they all occupy a place of choice in her paintings. The diploma was called Distracted Eyes, and we must understand this distraction as a deep absorption, and not a light daydream.
Brune Doummar's silent scenes are so many melancholy tributes to the gravity of childhood, and if her models have been transformed into theatrical characters and frequently emerge from curtains reminiscent of the world of the stage, it is to point out that the most common lessons in children's lives – initiation to music, posing for photographs, wise waiting for a snack... – are part of a comedy that sometimes borders on the absurd. Brune Doummar's mute children have a grotesque appearance, but you would have to have your eyes closed not to see that behind the figure of the juggler often hides the saint of the icon.
Camille Paulhan, 2023, Catalog of 2022 graduates from the Beaux-Arts de Paris, Editions Beaux-Arts de Paris Ministry of Culture.