Buckman Samuel

Samuel Buckman , né en 1972 à Saint-Omer (62)
« ... toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien.»
Racine, Préface de Bérénice
Me défiant de l’image, je m’attache à créer les conditions de la vue : rester entr’ouvert pour espérer (risquer) entrevoir le monde. Je travaille sans préméditation, dans l’élan d’une promenade, en récoltant des objets rebuts, en me laissant traverser par une rencontre ou un mot... Samuel Buckman demeure dans une économie, tant de l’objet, du regard que du geste. Les matériaux sans valeur - des médicaments devenus substances à dessiner, des clous rouillés assemblés en sculpture, une poutre, de la cendre, un cageot, une pièce de puzzle - une fois reconsidérés par et dans le geste, constituent la matrice d’une recherche plastique poursuivant la modestie des formes au détriment du manifeste. Ces formes toujours modestes rejoignent tantôt le champ de l’installation, de la sculpture, quand il ne s’agit pas de photographies, de vidéos ou de dessins. Le geste, résolument, ouvre. Depuis 2012, Samuel Buckman éprouve et explore un travail de dessin au quotidien, dans une forme de commande adressée à moi même : réaliser un dessin par jour et le publier. Ces feuilles constituent autant de traces de ce qui surgit ou s’enfuit, de ce qui advient ou disparait, de ce qui nous traverse. Elles offrent quelques fragments ou sédiments d’un monde qui n’apparait que dans l’instant suspendu d’une vision. Modestes et discrètes, les formes que je propose s’efforcent de révéler autant de points sensibles, à l’image du punctum évoqué par Roland Barthes, cet élément qui part de l’œuvre « comme une flèche, et vient me percer », envisagé encore comme «piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés».
Fin 2019, Samuel Buckman a initié une nouvelle voie de recherche, une ouverture à la peinture que depuis longtemps je m’étais formulée, revenant à une pratique que j’avais mise de côté lors de ma troisième année à l’école des beaux-arts en 1994 au profit de la photographie, de la vidéo, du volume et du dessin.
Je peins comme je dessine chaque jour, dans une forme d’attention aiguë doublée ici d’une lenteur essentielle, vecteur d’une sédimentation nourrie de tensions, de soulèvements, de télescopages, de réminiscences, de projections, d’inconnues. Mes premières peintures se nourrissent de bruissements et de ruminations de notre monde contemporain, dans un partage avec la pensée d’auteurs et de chercheurs travaillant sur des notions en mouvement, récurrentes et pourtant en perpétuelle mutation : la pauvreté, le travail, la fragilité du vivant, les flux migratoires, l’impermanence... Mon travail s’élabore également d’un rapport ouvert au langage, politique, poétique, équivoque. La graphie des mots a laissé les formes du dessin advenir au-devant de glacis superposés, premier pas vers la géologie de la peinture.
Samuel Buckman, born in 1972 in Saint-Omer (62)
"... the whole invention is to do something out of nothing."
Racine, Preface by Bérénice
Mistrustful of the image, I set out to create the conditions for sight: to stay ajar to hope (to risk) catching a glimpse of the world. I work without premeditation, in the spirit of a walk, by collecting discarded objects, by letting myself be crossed by an encounter or a word ... I remain in an economy, as much of the object, of the look as of the gesture . The worthless materials - drugs that have become drawing substances, rusty nails assembled in sculpture, a beam, ash, a crate, a puzzle piece - once reconsidered by and in the gesture, constitute the matrix of a research. plastic pursuing the modesty of forms to the detriment of the manifesto. These always modest forms sometimes join the field of installation, sculpture, when it is not a question of photographs, videos or drawings. The gesture, resolutely, opens. Since 2012, I have experienced and explored drawing work on a daily basis, in a form of an order addressed to myself: to make one drawing a day and publish it. These leaves constitute as many traces of what emerges or escapes, of what happens or disappears, of what passes through us. They offer some fragments or sediments of a world that appears only in the suspended moment of a vision. Modest and discreet, the shapes that I propose strive to reveal as many sensitive points, like the punctum evoked by Roland Barthes, this element which starts from the work "like an arrow, and comes to pierce me", envisaged again as "prick, little hole, little spot, little cut - and also throw of the dice".
At the end of 2019, I initiated a new line of research, an openness to painting that I had long formulated, returning to a practice that I had put aside during my third year at the École des beaux- arts in 1994 for the benefit of photography, video, volume and drawing.
I paint as I draw every day, in a form of acute attention doubled here by essential slowness, a vector of sedimentation nourished by tensions, upheavals, collisions, reminiscences, projections, unknowns. My first paintings are nourished by rustling and ruminations of our contemporary world, in a sharing with the thought of authors and researchers working on notions in movement, recurrent and yet in perpetual mutation: poverty, work, the fragility of living, migratory flows, impermanence ... My work is also developed from a relationship open to language, political, poetic, equivocal. The writing of the words allowed the forms of the drawing to emerge in front of superimposed glazes, the first step towards the geology of painting.
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