Blaquart Benjamin
Ecosytème autonome, forme métasexuelle, exocentrisme : Benjamin Blaquart combine les matériaux et les technologies de l’ingienerie et de l’organique pour hybrider l’humain, le végétal, la machine, le réel et le virtuel. L’ensemble de sa démarche est une invitation à transformer (ou hacker, dirait-il) les présupposés sur l’identité, la technologie, le vivant et l’inanimé.
Alimenté de théories et de fictions spéculatives allant de Paul B. Preciado à Samuel R. Delany, les
installations de B.B créent des aires d’interaction entre les matières vivantes et technologiques, elles sont parcourus de tubes rappelant des réseaux artériels, dans lesquels coulent les fluides irriguant cet ensemble hybride. Dans l’antre palpitant de ses écosystèmes, «This space between you and me» et «Us and Them», où chaque élément justifie sa présence en fonction de son utilité à l’autre, B.B. génère de possibles relations empathiques, l’œuvre apparaissant à cet égard symptomatique du rôle que l’être humain choisit d’occuper auprès de cette mécanique fragile: s’il souhaite assurer la survie de cette dernière, il devra en prendre soin ; s’il l’abandonne, le système mourra immanquablement.
Pour l’exposition « Well Being », les corps asexués en 3D d’une vidéo sont traversés de termes de self-empowerment et d’extraits de Susan Sontag et David Wojnarowicz. Un réseau de tubes traverse l’espace, véhiculant un liquide de refroidissement qui relie des sculptures exosquelettes en matériaux de prothèse et reconstruction esthétique (résine, silicone, impression 3D) .
S’intéressant au chamanisme étudié par l’anthropologue Philippe
Descola dans Par-delà nature et culture, il propose un objet-totem, La Chose, forme minimale recouverte de peinture de carrosserie, entre la roche et le meuble design, d’où sortent deux jambes. Le mélange explosif de critique sociale du genre et d’hybridation humain
machine-animal se retrouve dans sa lecture du Manifeste Cyborg de Donna Haraway, analyse féministe où le mythe permet l’émergence de corps « dénaturés» biotechnologiques, libérés des
déterminismes biologiques. Chez B.B les théories spéculatives ont ceci de positif qu’elles envisagent l’avenir non pas dans un mouvement de régression, mais dans une dynamique alternative et critique de la fascination capitaliste pour l’accès perpétuel à l’expansion et au nouveau. Il ne s’agit plus ainsi d’effectuer un pas de recul, mais un pas de côté: d’imaginer collectivement les termes d’un retrait de la course sans se départir de ce que l’intelligence humaine peut fournir comme solution émancipatrice de l’emprise d’une société verrouillée par les enjeux économique.